Les entreprises françaises face à l’incertitude et aux défis croissants

Ce deuxième semestre s’avère particulier pour les entreprises françaises dans un contexte de croissance atone (baisse de la demande et des investissements), de hausse des coûts (énergie notamment) et de taux d’intérêts qui explosent.

Le niveau des défaillances d’entreprises s’accélère sensiblement avec une hausse de 35% sur le deuxième trimestre 2023. La barre des 60.000 défaillances à la fin de l’année annoncée par bon nombre d’experts reste donc d’actualité même si on sera probablement un peu en deçà.

Cette forte augmentation devrait se traduire mécaniquement par un durcissement de l’accès au crédit de la part des banques, et par des politiques d’arbitrage de la part des assureurs crédit plus sélectives et basées sur un monitoring plus resserré de leurs engagements.

Analysons en détail les points symptomatiques de cette période.

En termes de croissance

A l’international

Au premier semestre de l’année, les économies mondiales affichent des profils différents, à l’image des 2 plus importantes, Etats-Unis et Chine, dont les évolutions sont contrastées.

D’un côté, les Etats-Unis continuent d’afficher une certaine résilience de leur activité économique, tirée notamment par les dépenses de consommation et la hausse des investissements, d’où une croissance estimée au final à +2% en 2023.

De l’autre, la Chine, entrée en déflation au printemps, avec une économie au ralenti (+0,8% sur T2 vs. +2,2% sur T1), imputable à une faible demande intérieure, une crise immobilière sans précédent et un repli des exportations (le « made in China » a moins le vent en poupe dans les pays occidentaux du fait d’une évolution des modes de consommation).

Ce ralentissement de la croissance en Chine, dont le PIB attendu sera au mieux à +5%, aura indéniablement des conséquences sur le reste du monde, et notamment sur l’Europe (rappelons que la Chine est le premier exportateur mondial et représente un quart de la croissance planétaire).

Selon Allianz Trade et Coface, cela se traduirait par une hausse du coût des échanges et du prix des intrants, une hausse des délais de livraison et des problèmes d’approvisionnement.

Les pays exportant vers la Chine pourraient être doublement affectés, et particulièrement ceux qui sont les plus exposés aux secteurs de la construction et de la métallurgie. En revanche, les pays exportateurs d’énergie, et plus précisément de charbon thermique, devraient voir la demande augmenter du fait de la crise énergétique actuellement en vigueur dans le pays.

 

En France

Impactée notamment par un environnement international peu porteur, l’activité économique française ralentirait au second semestre 2023. Le PIB français croîtrait ainsi de 0,1 % au troisième trimestre 2023 puis de 0,2 % au quatrième. Sur l’année, la croissance s’établirait à +0,9 %.

Le phénomène de déconsommation a surtout touché le commerce alimentaire pour le moment, mais il est en train de s’étendre aux biens d’équipement. Même si la consommation des ménages rebondirait légèrement au 2nd semestre, l’investissement des entreprises, quant à lui, s’éroderait dans un contexte de taux d’intérêt élevés.

De plus, la production industrielle globale française commence à marquer le pas même si certaines branches d’activité ont pu bénéficier d’effets de rattrapage (après avoir été pénalisées par des problèmes d’offres en 2022). On peut citer par exemple l’industrie automobile où les difficultés d’approvisionnement en composants électroniques sont désormais moindres, ou encore les industries très énergivores, comme la chimie, dans un contexte de moindres tensions sur les cours du gaz et de l’électricité.

Toutefois, certaines branches font toujours face à des difficultés de demande. C’est le cas, par exemple, de la fabrication de biens d’équipements ou la construction de logements neufs dont les perspectives restent orientées à la baisse. Enfin, la production de services continuerait de croître mais en décélérant.

 

Inflation et taux d’intérêt

L’inflation marque clairement le pas, mais moins vite que prévu. L’Insee prévoit une hausse des prix à la consommation à 4,2% en France à la fin de l’année (vs.6% en début d’année), et ce à la faveur notamment d’une forte accalmie des prix de l’énergie, qui rappelons-le, s’étaient envolés après le déclenchement de la guerre en Ukraine.

Mais surtout, la hausse des prix dans l’alimentaire connaîtrait un net ralentissement (sans forcément baisser) grâce au reflux des cours des matières premières agricoles et de l’énergie. Après +14,3 % sur un an glissant en mai, la hausse devrait ainsi être quasi divisée par deux en décembre (+7,4 %). Sur 2023, la hausse s’élèverait à +11,8 %.

A noter : le secteur des services, du fait des hausses de salaires, deviendrait la principale composante de l’inflation devant l’alimentation en fin d’année.

Toutefois, la composante énergétique demeure importante dans la part de l’inflation, avec notamment la hausse depuis plusieurs semaines des cours du pétrole et l’augmentation récente au 1er août de 10 % des tarifs réglementés de l’électricité.

Les entreprises ayant signé de nouveaux contrats d’approvisionnement à la fin 2022 se retrouvent aujourd’hui avec un prix de l’électricité qui a doublé par rapport à 2019, et des factures énergétiques qui par conséquent restent lourdes, surtout pour les plus petites structures.

Ce phénomène conjugué à celui de hausse des taux, passés de quasi zéro à plus de 5% en l’espace de 3 ans, pèse d’autant aujourd’hui sur les décisions d’investissement des entreprises.

De facto, les frais financiers grimpent fortement, avec une double conséquence pour les entreprises :

  • Une fragilisation des structures déjà endettées et/ou en manque de trésorerie ;
  • Une baisse des investissements en privilégiant les projets les plus rentables (le financement d’un projet sur dix ans coûte 30 % de plus qu’il y a deux ans).

 

Défaillances

En France, la situation reste préoccupante pour bon nombres d’entreprises.

D’un côté, les petites structures (CHR, Services, artisans du bâtiment, etc..) qui sont affectées par la baisse de consommation et de pouvoir d’achat des ménages, et de l’autre, les PME et ETI qui évoluent dans un environnement international altéré sur fond de guerre en Ukraine, avec des charges en augmentation (matières premières, énergie, etc.), et qui voient leurs marges se dégrader.

Dans les 2 cas, ces entreprises ne peuvent dégager le cashflow nécessaire à la croissance de leur BFR et au remboursement des PGE (en début d’année, il restait 98 milliards d’euros à rembourser sur les 144 milliards accordés).

Au T2 2023, le niveau de défaillances d’entreprises en France est en hausse : 13 266 procédures ouvertes, soit + 35 % vs. T2 2022. Les TPE restant les plus grosses contributrices (91 % du total des procédures), mais les PME ETI affichent une hausse de 55 % par rapport à l’an passé.

Au niveau des secteurs, celui de la construction (plus gros contributeur historique des défaillances et représentant 9% du PIB français), a enregistré une hausse de 35 % de ses défaillances. Nous retrouvons notamment les agences immobilières (+ 104 %), la maçonnerie générale (+ 54 %) ou encore le gros œuvre (+ 37 %).

Au final, les défaillances sur l’année 2023 devraient osciller dans une fourchette entre 55 000 et 60 000, à comparer avec les 52.000 enregistrées en 2019, dernière année de référence (hors période Covid).

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Davy Allouche
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