La Cour de cassation statue sur la portabilité des droits en cas de liquidation judiciaire

La portabilité des droits est un dispositif conçu pour protéger les salariés quittant leur entreprise et bénéficiant de l’assurance chômage. En leur maintenant les garanties santé et prévoyance sans contrepartie de cotisation, ce mécanisme assure une transition plus douce pour les salariés confrontés à la perte de leur emploi. 

Cependant, lorsque la perte d’emploi survient dans le cadre d’une liquidation judiciaire, le droit à portabilité devient plus complexe à s’appliquer. 

Dans cet article, nous examinerons en détail les implications d’une liquidation judiciaire sur la portabilité des droits, à la lumière des récents développements jurisprudentiels. 

Définition de la portabilité des droits 

La portabilité des garanties bénéficie aux salariés après la rupture de leur contrat de travail, qui ouvre droit au versement d’allocations chômage, hors licenciement pour faute lourde. 

Le maintien de leurs garanties santé et prévoyance s’exerce pendant une période égale à la durée du dernier contrat de travail, et au maximum durant 12 mois 

Concrètement, durant cette période, les salariés peuvent continuer à bénéficier des mêmes avantages en matière de protection sociale qu’ils avaient lorsqu’ils étaient employés et ce, sans verser de cotisation.  

Contexte législatif et jurisprudentiel 

Définie à l’article L 911-8 du Code de la sécurité sociale, la portabilité des garanties santé et prévoyance revêt un caractère d’ordre public.  

En pratique, ce mécanisme est financé par les cotisations dues par les salariés demeurant dans l’entreprise.  

Le cadre légal n’a pas traité le cas spécifique des liquidations judiciaires. Or, l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire aboutit généralement au licenciement pour motif économique des salariés.  

Dans ce contexte, le financement dit « mutualisé » des garanties santé et prévoyance ne peut plus s’exercer, car l’organisme assureur ne perçoit plus de cotisations, faute de salariés actifs dans l’entreprise.  

Par conséquent, certains organismes assureurs ont refusé de mettre en œuvre la portabilité des droits dans de telles situations. Les litiges à ce sujet se sont donc multipliés ces dernières années, notamment avec l’augmentation des défaillances d’entreprises suite à la crise de la COVID-19. 

La Cour de cassation a ainsi été sollicitée pour se prononcer sur des affaires relatives à la portabilité des droits afin de préciser les conditions de son application dans le cadre particulier des liquidations judiciaires. 

L’arrêt du 15 février 2024 – rappel des faits 

Dans cette affaire, les droits à portabilité avaient été ouverts au profit des salariés licenciés dans le cadre d’une liquidation judiciaire. Le contrat d’assurance a ensuite été résilié à l’échéance annuelle (c’est-à-dire au 31 décembre de l’exercice), à l’initiative de l’assureur.  

L’assureur a alors considéré qu’il n’y avait plus lieu de maintenir les garanties pour les salariés. Le liquidateur judiciaire a assigné l’assureur en justice pour assurer le maintien des garanties santé prévu par l’article L. 911-8 du Code de la sécurité sociale. 

La Cour de cassation a donc dû trancher la question de savoir si des salariés licenciés, dont les droits à portabilité ont été ouverts, peuvent continuer d’en bénéficier après la résiliation du contrat d’assurance.  

Analyse de l’arrêt du 15 février 2024 et des implications 

La Cour a statué que la résiliation du contrat d’assurance collective, même si elle intervient après les licenciements, mettait fin au droit à la portabilité des salariés.  

Cette décision vient clarifier les modalités d’application de la portabilité dans ce contexte précis, après plusieurs positions divergentes des juges du fond. 

Ainsi, tant que ne survient pas la résiliation du contrat, la portabilité des droits pourra être mise en œuvre au bénéfice des salariés licenciés.   

Bien que le prononcé de la liquidation judiciaire n’entraîne pas une résiliation automatique du contrat d’assurance, l’assureur a la possibilité de résilier le contrat à l’échéance annuelle, comme dans le cas d’espèce de l’arrêt du 15 février.  

Questions en suspens et perspectives 

Dans le projet de Loi sur la généralisation de la couverture obligatoire de prévoyance « lourde » en date du 28 mai 2024, un alinéa a été inséré à l’article L. 911-8 du Code de la sécurité sociale, précisant que « le maintien des garanties est assuré par l’organisme assureur même en cas de résiliation du contrat [d’assurance] avec l’employeur ». 

Le point des liquidations judiciaires, laissé de côté depuis 2014, semble donc être dans le viseur du législateur, avec une volonté de protection des salariés. 

Le contexte politique des dernières semaines a mis en stand-by l’avancée du projet de loi ; mais il pourrait revenir à l’Assemblée nationale dans les prochains mois. 

En résumé : les principaux points de l’arrêt du 15 Février 2024 

  • La Cour de cassation clarifie les conditions du bénéfice de la portabilité des droits pour les anciens salariés licenciés suite à une liquidation judiciaire. 
  • Selon la Cour, la résiliation du contrat d’assurance postérieurement aux licenciements met fin au droit à la portabilité des salariés, même si elle intervient après leur départ de l’entreprise. 
  • Le mécanisme de portabilité en cas de liquidation judiciaire pourrait être bientôt légiféré, avec une protection renforcée des salariés sur le maintien de leurs garanties. 

Conclusion 

En conclusion, l’arrêt de la Cour de cassation du 15 février 2024 constitue une décision importante dans la clarification du régime de la portabilité des droits en cas de liquidation judiciaire. 

Les entreprises et les salariés doivent rester vigilants et informés de l’évolution de la jurisprudence et de la Loi dans ce domaine afin de faire valoir leurs droits de manière éclairée. 

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Morgane Perchoc
Morgane Perchoc
Responsable juridique et consultante
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