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À compter du 9 décembre 2026, une nouvelle directive européenne, la directive (UE) 2024/2853, viendra profondément réformer le régime de la responsabilité du fait des produits défectueux. Adoptée le 23 octobre 2024 et entrée en vigueur en décembre de la même année, cette réforme succède à la directive fondatrice de 1985. Elle adapte le droit européen aux réalités d’une économie de plus en plus numérisée, automatisée et mondialisée. L’objectif affiché est de renforcer la protection des consommateurs tout en tenant compte des évolutions technologiques comme l’intelligence artificielle et les services numériques.
Qu’est-ce qu’un produit défectueux ?
Un produit est considéré comme défectueux lorsqu’il ne procure pas la sécurité que le consommateur est en droit d’attendre. La notion de sécurité prend en compte plusieurs éléments, notamment :
- La présentation du produit (emballage, notice, publicité) ;
- L’usage raisonnablement prévisible que peut en faire un utilisateur ;
- La date de mise sur le marché, qui permet de tenir compte de l’évolution des standards techniques.
Avec la nouvelle directive, cette notion s’enrichit pour intégrer les réalités des nouvelles technologies. Ainsi, un défaut peut désormais être intrinsèque (lié au fonctionnement du produit lui-même) ou extrinsèque (emballage, mode d’emploi, présentation). De plus, il peut résulter d’un comportement évolutif du produit : c’est notamment le cas des logiciels et dispositifs intégrant de l’intelligence artificielle, capables de se reconfigurer ou d’apprendre après leur commercialisation. La directive tient aussi compte des éventuelles failles de cybersécurité ou de l’interaction avec d’autres produits connectés.
Qui est responsable en cas de produit défectueux ?
La nouvelle directive élargit significativement le cercle des responsables potentiels, afin qu’une victime puisse toujours obtenir réparation, même dans le cas de chaînes de distribution complexes ou internationales. Sont concernés :
- Le fabricant du produit ou d’un composant ;
- L’importateur dans l’Union européenne ;
- Le distributeur ou le vendeur ;
- Le représentant légal dans l’UE d’un producteur établi hors UE ;
- Les plateformes de vente en ligne, si aucun autre acteur identifiable ne peut être poursuivi ;
- Les prestataires de services logistiques, impliqués dans l’exécution de la commande.
Si plusieurs acteurs sont impliqués, leur responsabilité est solidaire : la victime peut s’adresser à l’un d’eux pour obtenir une indemnisation.
De nouveaux dommages désormais indemnisables
La directive continue de couvrir les dommages corporels, les décès, ainsi que les atteintes à des biens d’usage privé (hors produit lui-même). Mais elle reconnaît aussi de nouveaux types de préjudices :
- Les atteintes psychologiques médicalement constatées ;
- La perte ou altération de données personnelles, dès lors qu’elles ne sont pas liées à une activité professionnelle (ex. fichiers supprimés d’un disque dur à cause d’un bug logiciel).
En revanche, les préjudices purement économiques, les dommages à des biens professionnels et les préjudices moraux ne sont toujours pas indemnisables.
Des règles de preuve allégées pour les victimes
La charge de la preuve reste à la charge de la victime, qui doit démontrer :
- L’existence du dommage ;
- Le défaut du produit ;
- Le lien de causalité entre les deux.
Cependant, la directive assouplit le régime probatoire avec :
- La possibilité pour le juge d’imposer la divulgation de documents par le producteur (ex : code source d’un logiciel ou historique de mises à jour) ;
- Le recours à des présomptions lorsque la complexité technique rend difficile la preuve directe du défaut ou de la causalité.
Cette évolution est particulièrement importante pour les produits numériques et intelligents, pour lesquels le déséquilibre d’accès à l’information entre fabricant et consommateur est souvent fort.
Quelles sont les possibilités d’exonération pour le fabricant ?
Certains cas permettent encore au fabricant de s’exonérer de sa responsabilité :
- Si le défaut n’existait pas au moment de la mise sur le marché ;
- Si le produit est conforme à des normes légales obligatoires ;
- En cas de risque de développement : si le défaut était indécelable selon l’état des connaissances au moment de la commercialisation.
Mais la directive réduit ces marges d’exonération. Par exemple, si un défaut résulte d’une mise à jour logicielle, le fabricant reste responsable, car cela relève de son contrôle. Cette disposition vise clairement les produits numériques évolutifs, comme les logiciels et les objets connectés.
Quel est le délai de remboursement ou d’indemnisation ?
Deux types de délais s’appliquent dans le nouveau cadre :
- Délai de prescription de 3 ans à partir du moment où la victime connaît le dommage, le défaut et l’identité du responsable ;
- Délai maximal de 10 ans après la mise sur le marché du produit (ce délai recommence si le produit est substantiellement modifié).
Une nouveauté importante est introduite pour les dommages à manifestation lente (ex : amiante, produits de santé) : la directive prévoit un délai butoir exceptionnel de 25 ans pour engager une action dans ces cas.
En parallèle, il ne faut pas oublier que le consommateur bénéficie d’une garantie légale de conformité valable 2 ans pour tout achat auprès d’un professionnel. Depuis 2022, cette garantie couvre aussi les biens connectés, services et contenus numériques.
Une réforme à fort impact pour les entreprises
Chez Delta assurances, nous voyons dans la directive (UE) 2024/2853 bien plus qu’un simple changement réglementaire. Elle marque un véritable tournant juridique, qui impactera directement la responsabilité des entreprises face aux produits défectueux, en particulier dans un environnement de plus en plus numérique, automatisé et interconnecté.
En tant que fabricants, distributeurs, éditeurs de logiciels ou e-commerçants, vous êtes en première ligne. La nouvelle directive élargit considérablement le champ des responsabilités et introduit des exigences nouvelles en matière de sécurité produit, traçabilité, et transparence technique.
Nous sommes à votre disposition pour vous accompagner dans cette démarche et vous aider à sécuriser votre activité face à ces nouvelles obligations.