Lutte contre la fraude : des mesures renforcées dans la LFSS 2025

Chaque année, les fraudes aux prestations sociales engendrent des pertes significatives. En 2024, l’Assurance Maladie a détecté et stoppé 628 millions d’euros de fraudes, un niveau jamais atteint jusqu’alors. Dans ce contexte, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 (LFSS) introduit plusieurs mesures visant à mieux visant à mieux prévenir, détecter et sanctionner les comportements frauduleux. Voici un tour d’horizon des principales mesures.

Une information renforcée de l’employeur en cas de fraude aux arrêts de travail

Les fraudes commises par les assurés constituent un axe de vigilance renforcé, notamment en matière d’arrêts de travail. En 2024, les fraudes aux indemnités journalières (IJ) ont fortement progressé, représentant 42 millions d’euros, contre 17 millions l’année précédente.

Depuis le 28 février 2025, les organismes de sécurité sociale ont désormais l’obligation d’informer l’employeur en cas de fraude avérée, via la transmission des renseignements et documents strictement utiles et nécessaires à la caractérisation de celle-ci. Cette communication doit être réalisée par tout moyen permettant de garantir la bonne réception des documents transmis.

Cette évolution complète les dispositions de l’article L.315-2 du Code de la sécurité sociale, qui prévoit déjà que l’employeur est informé lorsque les indemnités journalières sont suspendues à la suite d’un contrôle médical. Toutefois, le texte reste silencieux sur les conséquences pratiques de cette information, notamment sur la possibilité pour l’employeur de suspendre le maintien de salaire ou de signaler la fraude à l’assureur en charge des garanties complémentaires.

Dans le même esprit, une proposition de loi déposée par un député républicain le 17 avril 2025 vise à renforcer encore l’information de l’employeur en cas de fraude. L’objectif est de permettre à l’employeur de prendre, le cas échéant, les mesures appropriées, notamment un licenciement fondé sur la production d’un faux arrêt maladie.

Télémédecine : des arrêts de travail sous conditions

Le développement des plateformes en ligne dédiées à la délivrance d’arrêts de travail, parfois opérées depuis l’étranger, a contribué à une hausse des fraudes aux arrêts de travail. Pour y répondre, une première mesure a été adoptée dans le cadre de la LFSS 2024 : lorsqu’un arrêt est prescrit par téléconsultation, sa durée est limitée à trois jours, sauf si le professionnel est le médecin traitant ou la sage-femme référente (en cas de grossesse). Cette règle s’applique aussi bien aux arrêts initiaux qu’à leurs prolongations.

Dans la continuité, la LFSS 2025 interdit désormais les arrêts délivrés par des services exclusivement en ligne, ainsi que ceux prescrits par des praticiens exerçant principalement à l’étranger via un acte de télémédecine.

À compter de juillet 2025, les professionnels de santé devront par ailleurs utiliser des formulaires d’arrêt de travail sécurisés lorsqu’ils ne passent pas par la voie dématérialisée. L’Assurance Maladie encourage déjà l’envoi des arrêts depuis les logiciels professionnels. Les versions papier devront désormais reposer sur des Cerfa sécurisés : papier spécifique, encre magnétique, étiquette holographique… Ces mesures visent à limiter les risques de falsification et à fiabiliser le circuit de prescription.

Audioprothèse : un secteur sous surveillance

La lutte contre la fraude s’étend également au champ des dispositifs médicaux, en particulier les aides auditives. L’instauration du « 100 % Santé » (accès à des équipements auditifs sans reste-à-charge) a fortement stimulé les ventes dans ce secteur, mais a aussi engendré certaines dérives.

En 2024, les fraudes détectées dans le domaine de l’audioprothèse ont été multipliées par plus de cinq en un an : 115 millions d’euros, contre 21 millions en 2023.

Pour mieux encadrer ce secteur, la LFSS 2025 subordonne désormais le remboursement des prestations auditives, ainsi que l’adhésion à la convention Cnam, au respect de conditions précises d’exercice définies dans le Code de la santé publique. Celles-ci portent notamment sur les diplômes requis et les normes applicables aux locaux. La conformité sera contrôlée par les CPAM lors de la première adhésion des audioprothésistes, puis au minimum tous les cinq ans. En cas de manquement, la suspension ou la résiliation de la convention pourra être prononcée. L’entrée en vigueur de ce dispositif est attendue pour le 1er septembre 2025.

Une coordination perfectible entre assurance maladie et complémentaires santé

La coopération entre l’assurance maladie obligatoire (AMO) et les organismes complémentaires (OCAM) constitue un enjeu important, mais demeure encore limitée dans les faits.

L’article 49 de la LFSS 2025, qui visait à faciliter les échanges d’informations en cas de fraude présumée, a été censuré par le Conseil constitutionnel. Ce dispositif prévoyait notamment :

  • La transmission au procureur de la République des coordonnées des OCAM concernés en cas de dépôt de plainte.
  • La mise en place d’un mécanisme d’échange réciproque d’informations entre AMO et OCAM afin d’identifier les bénéficiaires des prestations frauduleuses.

Avant même cette censure, deux amendements portés par les fédérations d’OCAM, visant à sécuriser juridiquement les échanges de données et à améliorer la qualité de la coopération avec les caisses primaires d’assurance maladie (CPAM), n’avaient pas été retenus dans le texte définitif. Cette absence a été vivement déplorée par les organismes assureurs, qui rappellent qu’à ce jour, AMO et OCAM réalisent des contrôles parallèles en matière de fraude sans pouvoir croiser leurs informations.

Malgré cet abandon, il est envisageable que de telles dispositions puissent réapparaître dans un autre véhicule législatif. À ce jour, les contraintes liées au RGPD limitent les possibilités d’échange de données détaillées entre AMO et OCAM en cas de suspicion de fraude, rendant la coopération effective encore difficile.

Conclusion : une mobilisation à poursuivre

La lutte contre la fraude reste un axe stratégique pour les organismes d’assurance (AMO et OCAM). Dans un environnement où les outils numériques évoluent rapidement, les pratiques frauduleuses se diversifient, imposant des réponses rapides et coordonnées.

L’efficacité de cette lutte repose in fine sur une approche collective. Si les mesures de la LFSS 2025 renforcent les outils disponibles, elles soulignent aussi l’enjeu d’un dialogue renforcé entre les régimes obligatoires et complémentaires, au service d’un système plus lisible et plus fiable.

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Morgane Perchoc
Morgane Perchoc
Responsable juridique et consultante Département Assurances de Personnes
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