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Avec un coût moyen estimé à 4 059 € par salarié absent chaque année et un impact économique national évalué à 108 milliards d’euros (source : Livre blanc sur l’absentéisme), la santé au travail s’impose aujourd’hui comme une priorité majeure pour les entreprises. Ce n’est plus seulement une question de conformité ou de gestion RH, mais un levier essentiel de performance durable.
Alors que les risques psychosociaux sont désormais reconnus comme des risques professionnels à part entière, les obligations légales en matière de prévention s’intensifient. Dans ce contexte, les employeurs doivent repenser leur approche, alliant vigilance réglementaire et politique active de bien-être au travail.
Des obligations légales renforcées pour les employeurs
La loi du 2 août 2021, entrée en vigueur en avril 2022, a marqué un tournant en matière de santé au travail. Elle vise à renforcer la prévention des risques professionnels, favoriser le maintien dans l’emploi, et améliorer le suivi médical des salariés tout au long de leur parcours.
Désormais, la mise à jour annuelle du DUERP (Document Unique d’Évaluation des Risques Professionnels) est rendue obligatoire, accompagnée pour les structures de plus de 50 salariés d’un programme annuel de prévention, précisant les mesures à mettre en œuvre, les ressources mobilisées, un calendrier de réalisation. Au-delà de cette obligation formelle, le contenu du DUERP évolue : les risques psychosociaux (stress, harcèlement moral, surcharge cognitive, perte de sens, isolement en télétravail, etc.) doivent être pleinement intégrés à l’analyse et donner lieu à des mesures de prévention ciblées.
L’employeur reste tenu à une obligation de sécurité, portant sur la santé physique et mentale des salariés (C. trav., art. L. 4121-1). Initialement interprétée comme une obligation de résultat, cette responsabilité a été réévaluée par la jurisprudence : elle s’apparente aujourd’hui à une obligation de moyens renforcée, imposant à l’employeur de justifier des actions concrètes mises en œuvre pour prévenir les risques. Cass. soc., 8 juin 2017, n° 16-10.458 : l’inaction d’un employeur face à la détresse psychologique d’un salarié peut constituer un manquement grave à cette obligation.
Cette réalité juridique renforce la responsabilité des dirigeants et oblige les entreprises à se doter de moyens concrets pour agir en amont, détecter les signaux faibles et prendre soin de la santé mentale de leurs collaborateurs.
Arrêts de travail : vers un durcissement du cadre en 2025
Une surveillance renforcée des arrêts maladie
La hausse continue de la sinistralité liée aux arrêts de travail conduit les pouvoirs publics à renforcer les dispositifs de contrôle et d’encadrement dans le cadre des lois de financement de la Sécurité sociale.
Depuis 2024, la durée des arrêts prescrits en téléconsultation est limitée à trois jours, sauf s’ils sont délivrés par le médecin traitant ou la sage-femme référente dans le cadre d’une grossesse. En 2025, le dispositif se renforce encore : les arrêts délivrés par des services exclusivement en ligne ou par des praticiens exerçant à l’étranger via la télémédecine ne seront plus reconnus, sauf exceptions encadrées.
Parallèlement, un nouveau modèle de prescription est mis en place. Les professionnels de santé devront utiliser, à compter de juillet 2025, des formulaires sécurisés pour les prescriptions papier.
La lutte contre les abus se traduit également par une meilleure information de l’employeur. Depuis février 2025, les organismes d’assurance maladie ont l’obligation de l’informer en cas de fraude avérée, en transmettant les pièces strictement nécessaires à sa caractérisation.
Enfin, la Caisse primaire d’assurance maladie a modifié sa pratique en matière de prolongation d’arrêt. Jusqu’alors, en cas d’interruption entre deux arrêts, les jours non couverts – s’il s’agissait du week-end ou jour férié notamment – pouvaient être indemnisés. Depuis le 1er septembre 2024, cette tolérance n’est plus appliquée. Les jours non formellement prescrits ne donnent plus lieu à indemnisation.
Un enjeu de pilotage pour les entreprises
Dans ce contexte réglementaire renforcé, les entreprises ne peuvent plus se limiter à un traitement administratif des absences. Il devient indispensable de disposer d’une vision claire et actualisée des taux d’absentéisme, d’analyser leurs causes et de mettre en œuvre des actions correctives.
Le pilotage des absences repose sur des outils adaptés, mais aussi sur une culture de la prévention partagée au sein de l’organisation. Il suppose une collaboration étroite entre les directions RH, les managers, les services de santé au travail et les partenaires sociaux.
La santé au travail, un pilier de la performance durable
Selon plusieurs études, l’absentéisme a progressé de plus de 40 % dans le secteur privé en cinq ans. Cette hausse, loin d’être conjoncturelle, reflète un malaise plus profond dans certaines organisations. Or, la santé au travail ne doit plus être pensée comme un centre de coût ou une contrainte réglementaire, mais bien comme un investissement stratégique.
Les entreprises qui intègrent la prévention des risques dans leur stratégie globale constatent des effets concrets : réduction du turnover, amélioration du climat social, fidélisation des talents, hausse de la productivité. À l’inverse, ignorer ces enjeux peut fragiliser durablement l’organisation, tant sur le plan humain qu’économique.
Aujourd’hui, les employeurs sont appelés à repenser leur modèle : il ne s’agit plus de réagir aux absences, mais d’en comprendre les origines, de créer un environnement de travail propice à l’engagement, et de prévenir les situations de rupture. C’est à ce prix que la santé au travail deviendra un moteur de performance et non plus un point de vulnérabilité.